"La mécanique est donc bloquée..."
Publié le 11 Mars 2024 par Ouest Immobilier Neuf
Vous prévoyez le futur achat d'un appartement neuf dans tout le Grand Ouest, de Brest à Paris ou encore de Caen à Bordeaux, en passant par Rennes, Vannes, Nantes...? Promoteurs, Experts, Observatoires du Logement...
Chaque mois OIN donne la parole à celles et ceux qui bâtissent sur les territoires. Sans rien céder sur leur engagement même en cette période !
« L’avenir de se prédit pas, il se construit ! Est-ce que cette nouvelle année qui s’ouvre devant nous sera porteuse d’évolutions permettant d’aller vers un avenir radieux ? Nous le souhaitons tous tant celle qui se referme a été calamiteuse, pour le logement en général, et le neuf particulièrement (…) »
C’est en ces termes qu’OLOMA (1) ouvrait son dernier édito en date, au moment de présenter les chiffres du 4ème trimestre 2023 enregistrés dans les Pays-de-la-Loire. Le Point avec Bertrand Mours, Président de l’Observatoire
OIN
L’an passé, tout le secteur s’alarmait sur des risques de « catastrophe imminente ». 2024 : Vinci Immobilier a annoncé un plan social… Nexity lui emboîte le pas… Des chiffres en chute raide… Un marché en totale récession… N’y est-on pas en plein ?
Bertrand Mours
On ne peut en effet que constater et déplorer des évolutions manifestement inhabituelles.
Vous le savez, avec OLOMA nous suivons plusieurs indicateurs sur la région, notamment sur les mises en vente, en nette baisse, cela n’aura échappé à personne : « que de » 17% certes en 2023 versus - 22 % en moyenne décennale - une notion à considérer car plus pertinente à mes yeux pour jauger sur une durée longue. Cela dit, quand on annonce seulement 4 800 logements mis en vente, cela reste un vrai sujet de préoccupation.
Autre élément dont il faut tenir compte, au-delà de la vente à l’unité auprès de particuliers : l’alimentation du marché. Ici, je recours volontiers à l’image du « cycle de l’épicier », autrement dit ce qu’il met en boîtes de conserve le matin dans ses rayons avant de voir le soir comment son stock a diminué au gré des ventes, sachant que dans la journée il aura pu de lui-même en retirer les jugeant périmées ou abîmées.
Il regarde donc son stock ainsi et on peut faire la même chose dans l’immobilier avec des logements retirés de la vente : les retraits, un sujet « à bas bruit » dirons-nous, qui en règle générale sur notre région pouvait s’étager de 200 à 400 logements chaque année. Or, dans la situation que nous connaissons, le chiffre grimpe à 1400 en 2023 !
La question qui se pose alors, c’est pourquoi les avoir retirés ?
Il y a plusieurs explications, la principale étant qu’ils ne trouvent pas preneurs à la vente à l’unité. D’où 4 types de vie nouvelle (potentielle) pour ces retraits des ventes à l’unité :
-vente en bloc auprès de bailleurs sociaux ou investisseurs institutionnels (qui font encore défaut)
- la refonte du projet pour le mettre en phase avec les attentes du marché ( typologie et prix),par rapport aux attentes du marché.
- un dossier « mis au frigo » parce que même sur un bel emplacement, ça n’est manifestement pas le moment pour lui
- un dossier abandonné, rien n’étant encore démarré en travaux. L’opérateur n’a souvent pas encore acheté le terrain et faute de marché, il abandonne l’idée. Mieux valant alors perdre des frais d’études que d’engager une opération dans laquelle le modèle économique même sera fortement impacté.
Et donc, en alimentation nette du marché sur 2023, entre ce qui a été mise sur étagère - je réitère ma métaphore - moins ce qui a été retiré : ce sont moins de 3 500 logements mis en vente nette versus 5 400 en 2022, la moyenne décennale se situant à 5 600, avec des pics à plus de 7000 logements certaines années
On a donc ici une baisse très significative
L'indicateur le plus regardé est bien sûr celui des ventes nettes, qui là aussi marque un point bas historique ...avec 2 852 réservations nettes en PdL en 2023. La moyenne décennale ? 5 700 !
Opérons à présent le distinguo entre propriétaires occupants et investisseurs : on sait que ce sont les derniers qui ont le plus souffert ces deux dernières années, les augmentations de taux ayant un effet démultiplicateur : : là où pour les premiers le poids du prêt augmente de 40 % , l'effort d'épargne bondit de 200 % pour les seconds : ce qui est bien sûr intenable
OIN
Et si on opère un zoom sur Nantes métropole ?
Bertrand Mours
661 ventes nettes, la moyenne décennale étant 3 055 (entre 2013 et 2022).
Et si je pointe sur le ratio en investissement locatif : 1 sur 7, soit un 7ème de ce qui est observé en moyenne décennale.
Avec bien sûr des variations selon les territoires : Nantes Métropole reste dans la situation la plus impactée, Angers s’en sort mieux … Même si, précisons-le, en dehors de la Vendée, on est sur des replis massifs
Et là aussi, que reste-t-il en fin de journée « en étalage », soit l’offre disponible (en vente quel que soit le stade d’avancement, sur plan, en travaux ou achevé/invendu), indicateur sur lequel se pencher ?
Point bas 2019, 4 400 logements en PdL
On est remonté à un peu moins de 5 000 entre 2020-2021
2022 : 5 800
Et en 2023 6 300, soit + 10% versus 2022, + 30% versus 2021…
On voit donc l’effet du ralentissement du marché sur ce stock même si cette offre n’est pas aussi importante qu’on aurait pu l’imaginer, le jeu des retraits étant à prendre en compte.
Reste deux indicateurs : le logement terminé/ invendu qui va peser sur les épaules du Promoteur et qui reste inoccupé. Cette offre achevée/invendue reste encore très mesurée, 300 logements, soit 5% de l’offre.
Autre sujet : l’écoulement de cette offre, ce ratio qui compare le délai d’écoulement d’une offre en regard de ce qui a été observé à N-1. On observait 9 mois en 2016/2017… On est passé à 26 mois ! Quand on sait qu’un marché qui fonctionne bien s’observe à moins de 12 mois, je vous laisse juge..
OIN
Entre le « choc de l’offre » voulu par le Gouvernement, vite corrigée par la filière par un « choc de la demande » ardemment espéré, comment ré-enchanter le chemin du primo – accédant comme celui de l’investisseur ?
Bertrand Mours
C’est en effet toute la chaîne qui est bloquée. N’en déplaise à certains, l’alimentation du marché locatif privé reste un élément important, tout comme le logement social, l’accession à la propriété non aidée… L’ensemble du parc doit donc être alimenté. Je le dis simplement : le marché étant une chose, il faut regarder les besoins du territoire, soit pour ses habitants trouver un logement qui correspondent à leurs besoins, à un moment donné, avec la possibilité de pouvoir en changer selon mes évolutions… Ce que l’on nomme le parcours résidentiel. Or il est d‘autant plus bloqué que dans le parc locatif privé, les tensions sont telles que plus personne ne bouge.
La mécanique est donc bloquée.
Reconnaissons que les taux à 1% ont profité à la filière, en faisant avancer des opérations (côté promoteurs), en finançant sur du long terme (côté acquéreurs). Et si on compare la courbe des taux et le volume dans l’ancien à une époque : 1M 200 000 ventes ont été réalisées quand les taux étaient au plus bas. On a bien eu cette accélération due au taux bas avec pour corolaire la flambée des prix (2017/2023 : + 50 % toujours sur l’ancien dans certains métropoles).
L’argent était donc très peu cher… Reste aujourd’hui la question : comment financer le présent et demain.
Les taux sont une chose mais les prix de vente en sont une autre…
Mécaniquement, quand je regarde les chiffres, en valeur absolue, les chiffres sont stables (mais corrigés de l’inflation, ils sont en baisse). N’en reste pas moins que le foncier, la première brique, a peu de raison de baisser en termes de valeur, devenant de plus en plus rare.
Quant aux coûts de travaux, même en voulant « mieux faire », différemment… nécessairement avec la RE2020 (qui a tracé des évolutions avec une feuille de route sur des années ; la réglementation la plus performante d’Europe) la fabrication d’un bien surperformant ne sera pas orientée à la baisse même en faisant le « juste et bien ce qu’il fait ».
Faire baisser les prix de vente de 30% alors ? Cette équation économique s’annonce très compliquée à mes yeux .
Il va falloir assurément trouver sur ce sujet des solutions, je vais y revenir, mais aussi en s’interrogeant collectivement avec l’émergence de nouveaux investisseurs institutionnels sur les territoires et régions, alors qu’ils ont déserté le logement depuis plus de 30 ans, parce qu’ils considéraient que ça ne rapportait pas assez avec des loyers plutôt maîtrisés et des coûts en constante augmentation.
Contexte dans lequel se constituer un patrimoine avec une rentabilité de 2 % ne les fait pas vraiment se déplacer…
OIN
En conséquence de quoi, reste-t-il à vos yeux encore des leviers d’action pour relancer la machine ?
Bertrand Mours
Il y a sans doute des réflexions à mener sur d’autres dispositifs, on voit des inventions poindre car la question reste bien comment faire en sorte que les acquéreurs « rejoignent » les propositions - pour l’heure difficilement soutenables - qui peuvent leur être faites.
S’orienter alors vers une nouvelle ingénierie financière ? On le sait, il y a dans ce pays beaucoup d’épargne, Les Français aiment l’assurance-vie. Si demain, on « imposait » d’avoir une proportion de cette collecte annuelle qui trouverait sa place dans du logement neuf au dernières normes environnementales, en zones tendues avec des besoins … Cela pourrait prendre en quelque sorte la suite du Pinel pour n’évoquer que le dernier dispositif connu de tous.
D’autant plus qu’à la différence de l’Allemagne par exemple, engagée dans une décroissance en termes de population, la France reste encore dans une logique de « pic ». Les trajectoires de ces populations restent très différentes avec des répercussions sur les besoins de logements.
Notons que les pays qui ont fait le choix de la retraite par capitalisation ont su gérer des outils avec des moyens financiers conséquents et dans lesquels le logement était nettement encouragée en terme de production.
Dans notre après-guerre, le législateur a inventé la VEFA, un bon système certes avec une bonne filière. Mais nous n’avons pas forcément pris le chemin d’autres mécaniques comme ce que l’on voit ailleurs
N’en demeure pas moins que la dissociation foncier/bâti (BRS) a été mise en œuvre.
Mais cela ne peut suffire alors que selon les territoires et la pression touristiques observée, notamment en zones côtières, entre les résidences secondaires et le phénomène Airbnb, on ne peut que constater des effets délétères…
Oui ! Il faut trouver des solutions et ne pas écarter ces techniques financières donc,
mais à adapter au gré des territoires et de leurs particularismes.
(1)
OLOMA
32 rue de la Noue Bras de Fer - 44200 NANTES
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