Ouest Immobilier Neuf a interviewé Christophe Desfossés, nouveau président de la FPI des Pays de la Loire…
" Nous avons affaire à des technocrates qui dirigent et mettent en place des règlements ridicules et surprenants "
Nouveau président de la FPI des Pays de la Loire*, Christophe Desfossés entend bien défendre les intérêts de la profession auprès de l'ensemble des intervenants de l'acte de construire. Un engagement qui tient à cœur à celui qui occupe depuis 2002 la fonction de Directeur Associé chez Bâti Nantes, après avoir développé son expérience chez Bouwfonds Marignan immobilier puis dans le
Groupe Gambetta qu’il implantera sur la
région Nantaise. Tendances du marché sur le neuf,
nouvelle loi Pinel, révision des normes et choc de simplification: son analyse sait rester mesurée en ces temps qui "
manquent encore trop de lisibilité !"
Ouest Immobilier Neuf : Un récent dossier "Où investir dans le neuf ?" qui faisait le tour des capitales de l'Ouest élisait Nantes "Reine du Palmarès" ! Et de citer un taux de croissance très fort de sa population, des studios et des deux-pièces qui offrent les meilleurs rendements aux investisseurs et une rentabilité dans le neuf qui évolue entre 3 et 4%... Votre sentiment ?
Christophe Desfossés : Ce que l'on peut confirmer en effet, c'est le dynamisme de la métropole avec un PIB qui en atteste et une démographie galopante. Nantes Métropole prévoit 100 000 hts de plus à 2030, ce qui prouve que la métropole nantaise attire beaucoup de monde... du fait de la croissance de son économie. Or, pour tirer vers le haut cette même croissance il faut pouvoir accueillir tout cet afflux de population et donc construire... Ce qui explique ainsi que l'attrait de Nantes se voit appuyé en termes d'investissements immobiliers.
Nantes a cette chance d'être souvent comparée à des villes comme Bordeaux ou Toulouse, encore qu'elles ne sont pas à mes yeux multipolaires comme la métropole nantaise l'est avec Chateaubriand, Cholet... Toutes ces villes font la force de notre économie, même si Nantes centralise les investissements car on se dit que la dynamique y est plus importante. Dans ce contexte, c'est vrai qu'on y voit plein de grues mais, attention !, c'est la résultante de ce qui a été commercialisé il y a un an ou deux. Nous nous en réjouissons mais ce que je peux vous dire cet automne, après avoir fait un "tour de conjoncture" chez nos confrères et dans le BTP, c'est que le prudence reste de mise…
Ouest Immobilier Neuf : Lors de la remise des Pyramides d'Or 2014, François Payet, Président de la FPI évoquait un environnement économique toujours difficile et lançait un appel : "il faut restaurer la confiance"... Oui, mais comment?
C. D. : On constate cet attentisme, c'est certain. Cela dit, on s'est aperçus qu'au premier semestre les chiffres de la région et de Nantes Métropole n’étaient pas si catastrophiques, avec seulement une baisse de 5% au second trimestre comparé au même trimestre en 2013, déjà très bas. Ce que l'on constate, il ne s'agit pas de le nier, c'est une chute importante des ventes depuis cet été. Oui, le climat est difficile et marqué par un manque de confiance notamment de la part des investisseurs et ce, parce qu'ils manquent de lisibilité.
La loi Duflot a été acceptée sur certains principes pour être désavouée par le gouvernement Valls ! Quant à ces propositions qui visent à réduire les coûts de construction en mettant en place 50 mesures de simplification, nous nous posons la question de savoir si elles seront bien effectives, dans un premier temps, et si elles aboutiront sur une baisse des prix.
Enfin, la Loi Pinel et ses articulations, soyons clairs, ne sont pas encore effectives... Or, dans une période troublée les investisseurs ont besoin de clarté et elle n’est pas au rendez-vous !
Ouest Immobilier Neuf : Pourtant, Henry Buzy-Cazaux, Président de l'Institut du management des services immobiliers se veut confiant : "toutes ces mesures doivent permettrent de construire avec des prix de sortie moins élevés"... De quoi relancer le marché ?
C. D. : Les prix, pas plus que les arbres, ne montent au ciel, même si, j'en conviens, on a peut-être atteint un niveau de prix dans l'accession en résidence principale encore assez élevé. Mais il se trouve que depuis des années les marges de notre profession ne font que se réduire. Or, pour financer nos opérations, nous avons besoin de présenter aux banquiers un niveau de marge qui rémunère le risque pris, avec à l'heure actuelle un plancher en deça duquel les banquiers ne nous financent plus.
C'est ce qui explique ce ralentissement car il est demandé un taux de pré-commercialisation de l'ordre de 40 à 50%, le tout dans un marché très difficile avec des acquéreurs frileux qui parfois, ne voyant pas une opération se concrétiser, perdent patience, se désistent... Jusqu'à ce que de nouveaux réservataires viennent remplacer les premiers...
Ouest Immobilier Neuf : Mais le choc de simplification peut tout de même aller dans le bons sens, non ?
C. D. : Certes, quand les normes sismique ont été mises en place, nous avons été les premiers surpris. Nous avons affaire à des technocrates qui dirigent et mettent en place des règlements ridicules et surprenants. Maintenant, je doute fort qu'on puisse remettre en cause ces règlements déjà en cours ! Sans même dire qu’il s'agit plutôt de simplifications administratives... Vont-elles entraîner forcément la baisse du coût de construction ? Permettez-moi d'en douter car on a encore devant nous de nouvelles normes qui vont arriver - je pense à la dépollution de l'amiante - ce qui va encore pousser les prix. Bref ! Nous savons tous que nous sommes dans un pays qui aime créer de la norme, davantage que simplifier.
Ouest Immobilier Neuf : Dans ce contexte, la Pinel, en faisant "sauter" l'encadrement des loyers, ne déverrouillerait-elle pas certains freins ?
C. D. : Il faut être prudent. Quand vous faites un investissement, c'est pour a-minima le rentabiliser. Si demain, vous dépensez 100 000 euros et que les revenus pour rembourser l'emprunt - vos loyers - sont bloqués, alors que vous savez que vous allez avoir les charges de copropriété et l'impôt foncier... Croyez-moi, sans cette possibilité de réajuster les loyers, vous allez vous mettre en retrait !
Cet encadrement était bien un frein à l'investissement. Je me suis entretenu avec Johanna Rolland (maire de Nantes. NDLR), elle est très pragmatique et dit qu'il n'y aura pas à Nantes d'encadrement, tout simplement parce que c'est un ville dans laquelle il y a un taux de vacance faible et qu'il n'y a pas de tensions sur les loyers. On constate juste, sporadiquement dans quelques quartiers du centre, des abus sur les studios mais c'est tout ! C'est marginal ! Ce qui n'interdit pas de penser à un Observatoire qui soit le reflet de tous les loyers sur Nantes en vue d'anticiper des hausses pour mieux réagir par la suite.
Ouest Immobilier Neuf : Bon ! Cela dit, essayons de voir l'immobilier... à moitié plein plutôt qu'à moitié vide…
C. D. : C'est vrai que je vois des signes avant-coureurs qui nous incitent tout de même, et les investisseurs avec nous, à aller de l'avant. Tout d'abord, nous sommes dans une période ou les taux bancaires sont excessivement bas. N'oublions pas qu'en 2008, les taux étaient de l'ordre de 5,60% ; aujourd'hui ils sont deux fois moins élevés. Ce qui signifie que pour une mensualité de 100 euros par mois on peut emprunter 25% de plus et donc augmenter sa capacité d'investissement. Ensuite, la qualité de nos logements est indéniable et si, en 10 ans, les coûts ont augmenté, c'est au profit de la qualité du bâti. La norme RT 2012 est opérationnelle avec une vraie qualité phonique et de qualité d'usage au quotidien. Pensons aussi à la loi sur le handicap qui permet d'accueillir des personnes en fauteuils : c'est important.
Je n'hésite pas à le dire : dans le neuf on est en sur-qualité. Tout simplement parce qu'on nous demande de livrer des logements qui sont, d'emblée, l'équivalent d'une berline de luxe ! Il fut un temps où on commençait par une... deux-chevaux, non ?
Propos recueillis par Serge Marshall pour Ouest Immobilier Neuf
*Christophe Desfossés prend désormais la tête d’une fédération régionale qui regroupe 37 adhérents locaux, régionaux et nationaux, représente près de 1.000 emplois directs et a produit plus de 3.400 logements neufs pour un CA Annuel d’environ 650 M€ (ventes en bloc comprises / hors résidences services) en Pays de la Loire en 2013.